« Une crise, c’est une transition, un changement, la
naissance de quelque chose de nouveau. » - Ingrid Trobisch
OBSTINATION
-Hervé, mon amour, j’en ai
assez de l’école, ça ne me dit rien !
- Mais voyons, Virginie !
Tu es jeune, tu dois compléter tes études, car sans elles, tu ne parviendras
pas à avoir un bon avenir !
-Tu parles comme mes
parents !
-Ils ont raison, s’’ils te
disent le même que moi !
-Je n’aime pas du tout
l’école ! Il n’y a que mes copains de classe qui me font tenir le coup,
car, aux intervalles de récré, on s’amuse tant qu’on peut, il y en a qui sont
si drôles !...
-Tout çà, çà fait partie des
temps d´écolier, ma chérie…
- J’aimerais bien avoir ton âge
en ce moment, être indépendante, avoir mon petit coin, pour être libre, et pour
qu’on puisse s’aimer à l’aise…. Çà me tarde !
-Ma belle impatiente !
Tout ce que tu désires, il te faut faire des efforts, il te faut lutter, pour
le conquérir, car çà ne tombe pas du ciel, tu sais ! Moi-même, je lutte
encore pour acquérir ce que j’ai envie d’avoir ! La chance, çà se mérite,
chérie !
Tout ce dialogue avait lieu sur
un banc de jardin, au bord du fleuve qui baignait la ville. Hervé caressa le
visage de Virginie, en souriant, puis, passant un bras par-dessus les épaules
de la jeune fille, l’attira à lui, pour l’embrasser. Elle était si belle, avec
l’attrait de son extrême jeunesse, ses longs cheveux roux, ses yeux verts, son
visage de minette avec des tâches de rousseur ! Elle l’ensorcelait !
Deux jours après, Virginie se
préparait à sortir après le déjeuner, quand son père lui ordonna d’attendre,
car ils avaient à lui parler, lui et la mère de Virginie.
-Mais je vais être en retard
pour mes classes de l’après midi ! Et après, il me faudra justifier ces
absences !
-On les justifiera si
nécessaire ! Ce que nous avons à te dire est très sérieux !
Assieds-toi !
Avec une moue d’impatience,
elle obéit, de mauvaise grâce. Le dialogue forcé dura plus d’une heure, et elle
sût que ses parents étaient au courant de son idylle avec Hervé, et qu’ils
étaient contre.
-Ce garçon, nous le connaissons
très bien, et je t’assure que j’avais une opinion bien meilleure à son
sujet !- dit sa mère. - Il devrait penser un peu mieux à ce qu’il est
en train de faire ! Car vous n’êtes pas du même âge, et tu es
mineure ! Ce n’est pas le meilleur pour toi !
-Maman, quels préjugés !
Tu ne devrais pas penser comme çà ! On est au vingt unième siècle !
Je te croyais plus actualisée, plus moderne !
- Moderne ou non, actualisée ou
non, c’est mon opinion, et je sais que j’ai raison ! Un jour, tu vas le
reconnaitre toi-même ! Ce que ce garçon est en train de faire avec toi
peut lui causer de sérieux problèmes, car c’est du détournement de mineure. Et
toi, tu es trop jeune, tu ne sais rien encore de la vie !-répondit sa
mère.
- Ta mère a raison ! Mieux
vaut que tu termines tout de suite avec ce garçon, avant qu’il n’abuse de
toi !
-Mais, papa ! Hervé est
très gentil, très éduqué, et il ne voudrait me faire aucun mal, j’en suis
sûre ! Il m’a même dit, l’autre jour, que tout ce que je désire avoir dans
la vie, il faut que je lutte pour, et que je m’efforce pour l’atteindre !
-C’est très bien de sa
part ! Il n’est pas si sot que je pourrais le croire !- dit son père.
-Je lui ai dit qu’il me parlait
comme vous, et il a répondu que vous aviez raison !-protesta-t-elle.
- Eh bien, je suis satisfait de
l’entendre ! Mais il n’est tout de même pas le garçon qu’il te faut !
Tu es bien jeune, tu as le temps de trouver un garçon de ton âge, qui puisse te
comprendre et t’aimer ! Rien ne presse !- répondit son père.
-Mais c’est lui que j’aime,
papa !
-Assez ! Tu vas terminer
tout avec ce garçon, et vite, avant que je me fâche ! -Insista son père. -Je
ne vais pas revenir en arrière de cet ordre ! Aujourd’hui, tu peux sortir,
et si tu penses le rencontrer, tu peux en profiter pour en finir… sinon, je
prendrai d’autres dispositions plus dures ! Tu dois m’obéir,
Virginie !
Quelques jours passèrent.
Virginie ne parlait plus, ni à table, ni en d’autres moments, à la maison. Elle
trainait une tête d’enterrement. Mais elle se plaignit à Hervé.
-Peut-être est-ce mieux
terminer, oui ! –Lui répondit Hervé. Je ne veux pas que tes parents se
fâchent avec toi par ma faute !
-Ce n’est pas ta faute,
chéri ! C’est leurs préjugés, leur manie d’autorité !
-Avec ou sans manie, ils ont
raison, Virginie ! Notre relation ne peut continuer ainsi ! Si tu
veux, nous resterons amis, et on se parlera quand même, mais rien de
plus ! Je ne veux pas que tu aies plus de chagrin… terminons-en tandis que
je ne t’ai pas touchée, il vaudra mieux ! Avant que l’on avance avec le
partage de nos corps, parce que sinon, ils vont encore m’accuser de te violer,
et çà, je ne le veux pas ! Car une telle accusation me mettrait en prison,
et ma vie serait foutue…
- Tu ne penses pas à moi, à mon
chagrin, si on se quitte ?
-Si, justement ! Mieux
vaut ne pas avancer, parce que ton chagrin serait pire ! Allez, courage,
ma belle !
- Alors, donne moi encore un
baiser, un dernier… embrasse-moi encore une fois, Hervé !
Il le fit, la serrant dans ses
bras. Il cachait son chagrin à lui, pour ne pas lui faire plus de peine ;
il jouait les forts, pour lui donner le change, mais son cœur saignait :
il adorait cette jeune fille si belle, si tempéramentale, mais si douce dans
ses bras ! Il fallait tout terminer, et elle allait lui manquer.
Le lendemain, Virginie se leva
du lit, disposée à retrouver de nouveau Hervé : elle ne pouvait se
résoudre à en finir… Elle sortit et, au lieu de se diriger à l’école, elle alla
sonner chez Hervé. Il était là et lui ouvrit la porte, la laissa entrer. Une
dernière fois, se dit-il, car je comprends qu’elle ne supporte pas me quitter…
moi-même, je le supporte mal… Il l’entraina dans son salon. Elle s’y arrêta net
au beau milieu et mit ses bras autour du cou du jeune homme, tout en lui
souriant et lui offrant ses lèvres. Il succomba… mais se reprit aussitôt, en
comprenant que s’il ne s’y opposait pas, dans quelques minutes, l’inévitable et
irrémédiable aurait lieu…
Il se redressa, l’écarta en
souriant un peu forcé, la prit pas les poignets et lui dit :
-Vas-t-en, Virginie !
Avant que je ne résiste plus à la tentation… S’il te plait,
vas-t-en ! Et, tout en lui ouvrant
la porte, la fit sortir de chez lui.
Cela se répéta durant une
semaine, mais, après cela, Hervé était à bout, car Virginie était têtue, et ne
voulait rien entendre. Il ne lui ouvrait
plus la porte… elle s’asseyait sur le perron de l’immeuble, et passait des
heures là, attendant qu’il sorte, puis l’accablait quand il arrivait à la
porte. Des voisins virent cela, et le rapportèrent à ses parents, leur
signalant aussi qu’Hervé ne la laissait plus entrer chez lui, qu’il se
débattait autant qu’il pouvait des assauts de Virginie qui le tirait par le
bras, se jetait à lui tant qu’elle pouvait, en pleurant. Un de ces jours qui
suivirent, Hervé alla de sa propre volonté retrouver le père de Virginie, pour
essayer d’en finir, parce qu’il n’y parvenait pas tout seul. Il s’expliqua avec
Mr. Oliver.
-Monsieur ! Excusez-moi de
vous déranger ! Vous avez demandé à votre fille Virginie de cesser de me
fréquenter, et je vous donne toute la
raison. Pour moi, Virginie est une amie, plutôt qu’un flirt ou une fiancée.
J’ai eu tort de commencer à la fréquenter d’abord comme fiancée et non comme
amie, je le reconnais, et je vous demande pardon. Je suis venu pour vous le dire, et je sais
que cela peut causer bien du mal tant à elle qu’à moi… J’ai essayé de la
raisonner, mais elle s’acharne de telle façon, qu’elle m’accable, me rend la
vie impossible : Elle m’attend des heures à l’entrée de mon immeuble, en
pleurant, me suit dans la rue, se jette sur moi quand je sors, elle perd ses
classes, et m’attend à la sortie de mon travail. Je sais que mes voisins vous
ont déjà rapporté tout cela, ils me l’ont dit !
- Merci de votre franchise,
jeune homme ! Vous avez bien monté dans ma considération, car au début,
j’ai cru que vous alliez profiter physiquement d’elle… Avez-vous dejà consommé
l’union des corps ? Soyez encore franc et sincère, je suis un homme aussi,
et je sais quelle difficulté on peut avoir devant une fille ou une femme
attirante…
-Merci, Monsieur ! Je n’ai
qu’embrassé Virginie, mais je me suis senti très mal dans ce domaine, car elle
est ensorceleuse, je vous l’avoue ! Toutefois, c’était mon devoir de
résister et de me conduire comme un vrai homme, avec décence et honneur, et j’y
suis parvenu ! Mais elle me rend la vie insupportable à présent, je n’en
peux plus ! J’ai tout terminé avec elle ! Je lui avais proposé d’être
seulement amis, elle n’en a rien voulu entendre ! Alors j’ai pensé qu’avec votre autorité de
père, vous pourriez faire quelque chose aussi !
-J’avais, dès le début, menacé
en effet ma fille, de prendre d’autres dispositions plus dures, si elle
s’entêtait avec vous ! Je vois que le moment est arrivé de le faire,
hélas ! Dieu sait que je voulais éviter cela ! Je n’ai jamais battu
ma fille, je ne me suis jamais trop fâché avec, car c’était une petite à peu
près docile, avant de vous fréquenter, et j’essayais toujours le dialogue pour
commencer. Moi et ma femme avons essayé de la raisonner par le dialogue cette
fois aussi, mais peine perdue ! Je vais commencer par aller voir ses
professeurs, et l’accompagner à l’école, moi et ma femme. Après, je verrai bien
ce que je peux faire de plus ! Allez, mon jeune ! Je suis satisfait
de votre attitude, cela vous montre comme un vrai homme à mes yeux. Je vous souhaite de trouver une jeune fille
de votre âge qui puisse vous rendre heureux ! Et vous venez de gagner un
ami !
Monsieur Oliver tendit la main
à Hervé, tout en prenant congé de lui. Après, il se dirigea à l’école, pour
parler avec les professeurs de Virginie qui le reçurent avec sympathie, tout en
se montrant disponibles et préoccupés. Monsieur Oliver leur fit part de ce
qu’il avait parlé avec Hervé. On lui
conseilla de faire Virginie changer d’air, si toutefois il en avait la
possibilité, car ici, elle continuerait à s’entêter. S’il pouvait la changer de
ville, de région et d’école, elle ne perdrait pas l’année scolaire… En tant que
bonne élève, ce serait dommage qu’elle flanque tout à l’eau, ce serait du temps
perdu de sa jeunesse, qu’un jour elle lamenterait. Et dans ces cas-là, d’après
leur expérience de professeurs, c’était le plus indiqué. S’il le voulait, le
psychologue de l’école était à sa disposition, pour un rendez-vous immédiat. Il
accepta et en revint avec la certitude de ce qu’il devait faire. Le lendemain,
après avoir décidé avec sa femme des dispositions à prendre, il accompagna
Virginie à l’école, lui signala qu’elle devait en profiter pour faire ses
adieux à ses camarades de classe, car ce serait ses derniers jours dans cette
école, avec ses copains. Elle s’enfermait dans un mutisme total, en présence de
ses parents, ce qui n’était pas du tout son habitude, et ils étaient tristes
pour cela, car elle était fille unique, et il n’y avait jamais eu entre eux le
moindre de ces problèmes avant. Virginie était d’un naturel joyeux, et
maintenant, on aurait dit qu’elle était changée. Il allait falloir faire vite,
pour lui trouver une autre école, près de ses grand-parents paternels. Elle
allait leur manquer ! Mais c’était pour son bien ! Quelques jours
après, Virginie voyagea vers la région de ses grands-parents, avec sa mère, en
voiture. Elle continuait triste, ne parlait pas, malgré la musique que sa mère
avait mise dans la voiture, et ses tentatives de dialogue. Elle avait cru pouvoir faire changer
d’opinion ses parents, avec son mutisme, mais maintenant, elle voyait bien
qu’ils étaient irréductibles. Ce qu’elle ne pouvait savoir, c’était que ses
parents faisaient tout pour son bien… et que leur cœur était peiné, d’avoir à
se séparer d’elle en de pareilles circonstances. Mais ils espéraient qu’avec le
temps, elle guérirait de tout ce mal qui la peinait elle-même…
Un an s’est écoulé… Virginie s’est adaptée chez ses
grands-parents, qu’elle aime bien, et voit ses parents aussi fréquemment que
possible. Elle s’est fait des camarades, des amis, dont Johnny, avec lequel
elle sort, et ils s’aiment beaucoup… Elle reconnait volontiers qu’elle s’était
fait des illusions avant, avec Hervé, qu’elle n’a pas oublié pour autant. Mais
elle reconnait aussi, maintenant, qu’ils ne pouvaient être fiancés, mais
seulement amis… Elle a eu de ses nouvelles par ses parents, qui sont devenus
amis du jeune homme. Il vient de trouver quelqu’un d’autre, lui aussi. Une
collègue de travail…
-Tu viens, Virginie ?- lui
demande Mireille, une de ses camarades de classe.
-Oui, bien sûr !
Laisse-moi seulement garder mes affaires…
-Et Johnny ? Comment vont
les choses avec lui ?
-Très bien ! Je vais à sa
rencontre, maintenant, car on s’était promis de sortir ensemble, après les
classes… Dommage qu’il ne pouvait être en classe cet après-midi, mais il
m’avait déjà prévenue avant ! Alors, je vais me promener un peu avec lui…
Ce dialogue avait lieu à la
sortie des classes. Johnny l’attendait dehors, pour l’accompagner dans sa
promenade. Elle s’avouait maintenant qu’elle avait eu tort de s’acharner,
contre vents et marées, à un amour qui n’en était pas… Puisque maintenant, elle
aimait un garçon de son âge, et celui-là l’aimait aussi.
FIN
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